Gloire et misère de l’image après Jésus-Christ
Olivier Rey
La prolifération des images a pris, au cours du xxe siècle, des proportions extravagantes. Pour le dire comme Günther Anders : "Auparavant, il y avait des images dans le monde, aujourd’hui il y a “le monde en images”, plus exactement le monde comme image, comme mur d’images qui capte sans cesse le regard, l’occupe sans interruption et recouvre sans interruption le monde." Ce règne des images et son corollaire, le désintérêt à l’égard du monde tel qu’il nous est donné, est aux antipodes de l’enseignement biblique dans son ensemble. Le christianisme a certes promu l’image, mais pas n’importe quelles images; et s’il a recommandé les images, c’est en tant que celles-ci s’accordent à la prédication évangélique et servent à confirmer l’Incarnation, réelle et non fictive, du verbe de Dieu dans la personne du Christ. Autant dire que le déluge d’images qui s’abat aujourd’hui sur le monde n’a rien de chrétien. Et cependant, pareil déluge n’aurait pu advenir sans le statut accordé par le christianisme à l’image, sans l’enjeu dont il l’a investie. Conjoncture étrange, dont seule une enquête généalogique est à même de dégager les traits, de révéler les tenants et les aboutissants. Le propos de cet ouvrage est, en mettant au jour certains fils enterrés, de comprendre comment a pu s’effectuer le passage entre l’image chrétienne et le raz-de-marée imagier contemporain.
Après avoir étudié à l’École polytechnique, Olivier Rey a été officier de marine, puis a obtenu un doctorat de mathématiques. Depuis 1989 il est chargé de recherche au CNRS, au sein duquel il est passé, en 2009, de la section mathématiques à la section philosophie. Il est membre de l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques, et enseigne à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il a reçu le Prix Bristol des Lumières 2014, pour Une question de taille, Stock, 2014; le Grand Prix de la Fondation Prince Louis de Polignac 2015; le Prix Jacques Ellul 2019, pour Leurre et malheur du transhumanisme, DDB, 2018.