Wittgenstein à la rencontre de la psychopathologie
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
ISJPS
Organisée par Mathieu Frèrejouan & Rosanna Wannberg
Argument :
Si l’institutionnalisation d’une « nouvelle philosophie de la psychiatrie » depuis les années 90 a eu le mérite d’ouvrir un espace pour un dialogue interdisciplinaire entre la philosophie et la psychopathologie, force est de constater que les conditions de fécondité d’un tel dialogue restent largement impensées. Si les contributions des philosophes à la psychopathologie sont désormais nombreuses, elles échouent souvent à discerner en quoi réside leur spécificité. Qu’il s’agisse de la tradition phénoménologique, centrée sur la description du « monde » associé à tel ou tel trait pathologique, ou de la philosophie analytique, proposant principalement des modélisations ou hypothèses explicatives sur les processus psychologiques impliqués, la tâche du philosophe semble se réduire à être un moment, critique ou préliminaire, de la science.
Face à ces traditions la pensée de Ludwig Wittgenstein, en tant qu’elle invite à distinguer clairement l'entreprise de clarification conceptuelle et la recherche empirique (y compris dans ses phases spéculatives), est la promesse d'une nouvelle philosophie de la psychopathologie. Celle-ci semble à cet égard offrir un modèle alternatif de l’interdisciplinarité, d’autant plus qu’elle refuse le psychologisme qui sous-tend les approches dominantes, et prône en retour une contextualisation des mots et énoncés qui peuvent inciter à l’endosser. On ne saurait en même temps oublier que, sous la plume du philosophe autrichien, une telle démarche vise la mise au clair des règles qui gouvernent les usages de tels mots et énoncés dans leurs conditions « normales ». C’est pourquoi une rencontre entre la pensée de Wittgenstein et la psychopathologie, loin d’être évidente, est encore à construire.
Quelle place donner à une pensée de la déviance et du pathologique en particulier ? Quel éclairage une approche qui s’appuie sur ou s’inspire de Wittgenstein peut-elle porter sur la psychopathologie, entendue tant au sens de la discipline qui étudie les maladies mentales, que des situations problématiques dont elle cherche à rendre compte ? Inversement, quelles concessions ou remises en question philosophiques la confrontation à la psychopathologie peut-elle imposer ? Telles sont les interrogations que cette journée d’études vise à explorer.
Programme :
[Accueil : 9h30]
Modération : Rosanna Wannberg
9h45-10h45 : Mathieu Frèrejouan (Université Paris 1/EXeCO) : « Un scarabée sous la peau : Wittgenstein face au corps halluciné. »
10h45-11h45 : Charlotte Gauvry (Université de Bonn) : « Le schizophrène comme philosophe. De la fécondité phénoménologique d'une comparaison wittgensteinienne. »
[Pause : 11h45-12h]
12h-13h : Louis Sass (Université de Rutgers) : « The view from outside: Wittgenstein as an anti-philosopher. »
[Déjeuner : 13h-14h30]
Modération : Mathieu Frèrejouan
14h30-15h30 : Rosanna Wannberg (Université Saint-Louis/EHESS) : « Grammar of subjectivity and expression of self-alienation: a view from the context of schizophrenia and its recovery. »
15h30-16h30 : Pierre-Henri Castel (CNRS-EHESS, LIER) : « Y a-t-il chez Wittgenstein une idée du sensé et de l’insensé qui puisse être utile pour caractériser la folie ? »
Discutante : Sandra Laugier