
Séminaire de phénoménologie 2025-2026
Anthropologies phénoménologiques
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
ISJPS (UMR 8103)
Séminaire organisé par Étienne Bimbenet et Alexandre Feron (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ISJPS, EXeCO)
Le courant de « l’Anthropologie philosophique allemande » fait l’objet depuis une vingtaine d’années, en Allemagne comme en France ou en Italie, d’un commentaire fourni. On redécouvre un ensemble de penseurs qu’on croyait définitivement tombés en désuétude, mais qui revient aujourd’hui sur le devant de la scène pour au moins deux raisons.
La première tient au fond de l’affaire. Le point commun à des penseurs aussi différents que Plessner, Scheler, Gehlen ou Portmann, c’est leur commune volonté de faire un sort au processus de l’évolution biologique, et de la prendre philosophiquement au sérieux. En ceci une telle anthropologie, même si elle remonte aux années 1920, pourvoit d’hypothèses audacieuses et de ressources conceptuelles précieuses tous ceux qui aujourd’hui projettent d’instruire une anthropologie philosophique ouverte aux apports de la biologie de l’évolution et de la paléoanthropologie.
Mais il y a une seconde raison à ce revival philosophique, sans doute plus discrète et néanmoins déterminante. Elle regarde la phénoménologie et le rôle que celle-ci peut être appelée à jouer dans l’élaboration d’une anthropologie philosophique. C’est elle qui nous occupera cette année. Il se trouve en effet que la redécouverte de l’Anthropologie philosophique allemande fut largement stimulée par la publication en 2006 de La Description de l’homme. Or dans cette série de cours parus à titre posthume, Blumenberg lançait à Husserl et Heidegger une question cruciale, et en l’occurrence un véritable défi : la phénoménologie serait-elle capable, en dépit de la facture transcendantale de son discours, d’accueillir le fait empirique de l’hominisation ? Saurait-elle faire sauter le verrou de « l’interdit anthropologique » et intégrer dans ses analyses ce que le darwinisme, et plus généralement la biologie de l’évolution, la psychologie évolutionnaire ou la paléoanthropologie nous apprennent sur le processus de l’anthropogenèse ?
Or autant une telle question pouvait paraître litigieuse, voire provocatrice, lorsqu’elle s’adressait à la phénoménologie « historique » de Husserl et Heidegger, prioritairement mobilisée en effet par la pureté du motif gnoséologique ou par la rigueur de la Seinsfrage, autant elle semble se poser plus facilement et même spontanément chez des penseurs comme Sartre, Merleau-Ponty, Levinas, Ricoeur, Patočka ou Waldenfels. Certes chez ces derniers la phénoménologie ne se conçoit pas directement comme une anthropologie. Mais le fait qu’ils ne la configurent pas comme un projet de refonder la science, ou de réveiller la question de l’être, rend leur discours plus facilement accueillant à la question anthropologique. Celle-ci se pose chez eux plus naturellement, et c’est du coup la question que nous voudrions poser, ingénument, à l’ensemble du mouvement phénoménologique, mais aussi à Husserl et Heidegger eux-mêmes : en quoi la méthode réductive, ou en quoi les différents « concepts fondamentaux » de la phénoménologie, peuvent-ils contribuer à l’élaboration d’une anthropologie philosophique et pourvoir celle-ci de véritables ressources philosophiques ? En quoi par exemple le long retravail husserlien du phénomène de l’intentionnalité, ou l’herméneutique heideggérienne de la vie facticielle, ou l’analytique sartrienne de la liberté, ou le primat merleau-pontien de la perception, ou la description de la « hauteur » d’autrui chez Levinas, ou le conflit ricoeurien des herméneutiques, ou l’ontologie du mouvement vivant chez Patočka, etc. : en quoi l’incroyable moisson descriptive engrangée par la phénoménologie tout au long du 20ème siècle et jusqu’à aujourd’hui a-t-elle quelque chose à nous dire sur les vivants humains que nous sommes, sur leur origine animale comme sur la différence anthropologique ? Autant de phénoménologues, donc, autant d’« anthropologies phénoménologiques » sinon explicitement assumées, du moins implicitement présentes, et auxquelles nous tenterons de faire droit cette année.
Le séminaire est ouvert à tous, et plus particulièrement aux doctorants phénoménologues de Paris 1.
Programme
22 novembre 2025 - salle Lalande
Laurent PERREAU (université de Franche-Comté) : « L'anthropologie transcendantale husserlienne »
13 décembre 2025 - salle Halbwachs
Ovidiu STANCIU (université de Bucarest/ Institut Catholique de Paris) : « De la scission du transcendantal à la pluridimensionnalité de l'humain. Eugen Fink et le problème d'une anthropologie philosophique" » (salle à préciser)
24 janvier 2026 - salle Lalande
Roberto TERZI (Archives Husserl de Paris) : « De l'homme au Dasein et à la Terre : inclusion et exclusion de la vie chez Heidegger »
21 février 2026 - salle Lalande
Claudia SERBAN (université Toulouse Jean Jaurès) : « La “phénoménologie générative” du dernier Husserl comme anthropologie phénoménologique »
21 mars 2026 - salle Lalande
Annabelle DUFOURCQ (université Radboud de Nimèque) : « L’anthropologie philosophique posthumaniste de Merleau-Ponty »
11 avril 2026 - salle Halbwachs
Alexandre FERON (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) : « Sartre et la question anthropologique » (salle à préciser)
23 mai 2026 - salle Lalande
Eric POMMIER (université de Tours) : « Les deux voies de l'existence humaine, avec et par-delà Jan Patočka »