Qu’y a-t-il après la représentation ? (I)
Université Paris 1 PnISJPS
PhiCo-EXeCO
IUF
une fois par mois le samedi de 10h30 à 12h30
Sorbonne, Escalier C, 1er étage, habituellement en Salle Lalande
Qu’y a-t-il après la représentation ?
Selon une conception de l’esprit que nous héritons des Temps Modernes, notre rapport aux choses est essentiellement médiatisé par des représentations. Unités de compte du mental, celles-ci interviennent dans l’ensemble des opérations de la vie mentale et y jouent des rôles et y connaissent des destins divers, suivant le type d’expériences ou d’activités considérées. Cette conception de l’esprit s’appuie sur l’existence d’un certain nombre de dispositifs qu’on peut qualifier eux-mêmes de représentationnels, qui fonctionnent en extériorité, et dans une certaine analogie avec lesquels l’esprit est conçu, d’une façon qui est aussi censée en partie les expliquer.
Le XXe siècle a été le théâtre de remises en question massives de la pertinence de la notion de « représentation » dans l’analyse des opérations mentales. Simultanément, un intérêt renouvelé s’est manifesté pour l’existence, à côté des dispositifs représentationnels, d’autres formes d’encodage ou de mise en jeu du réel, que cela soit selon la prise en compte d’autres traditions que celle de ladite « modernité », ou de l’émergence, dans ou au-delà de cette modernité, d’autres pratiques ou formats d’expérience que ceux relevant de la « représentation ». On soulignera à cet égard, entre autres exemples, l’importance de la prise de conscience du fait qu’un échantillon ou un enregistrement ne sont pas des représentations. Sur l’arrière-plan de telles expériences et des techniques qui les informent, d’autres cadres théoriques pouvaient s’imposer, en ce qui concerne la mise en disponibilité et la jouissance et/ou la mise à distance du réel, que celui de la philosophie de la représentation.
Pourtant, aujourd’hui, la représentation, dit-on, est de retour. Elle est, en tout cas, partout. Tout d’abord, il est des secteurs entiers de la recherche qu’elle ne semble jamais avoir abandonnés, n’y ayant été que faiblement mise en question : ainsi, les sciences cognitives aujourd’hui parlent-elles assez largement, à quelques hérésies notables près, le langage de la représentation. S’agit-il d’une simple survivance ? Ou faut-il y voir la marque d’un renouveau de ce concept, au prix sans doute de nécessaires redéfinitions ? D’un autre côté, les dernières décennies sont marquées par un apparent retour du représentationalisme (qu’on ne confondra pas trop vite avec le figurativisme et encore moins vite avec le réalisme) dans les différents arts. Notre époque serait de nouveau, ou peut-être même pour la première fois vraiment, celle des représentations, voire des « représentations factuelles », comme le diagnostique Frédéric Pouillaude dans son livre sur les pratiques documentaires.
Ces caractérisations sont bien sûr unilatérales. On assiste plutôt aujourd’hui à la coexistence de pratiques et de paradigmes représentationnels et d’autres qui ne le sont pas. Cette coexistence appelle en premier lieu la réouverture d’un questionnement sur ce qui, respectivement, est et n'est pas représentation. Une image, par exemple, est-ce de toute évidence une représentation ? Tout dépend probablement du sens dans lequel il s’agit d’une image et de ce à quoi on fait servir celle-ci. Le séminaire s’interrogera donc, avec une ouverture ethnologique et historique, et en conjuguant divers discours disciplinaires, qui éclairent différemment ces termes, sur la diversité de formats d’appréhension du réel qui peuvent se cacher derrière les différentes façons de tracer une opposition ou une limite entre ce qui serait « représentation » et ce qui ne le serait pas. En second lieu, il se demandera quelles valeurs, renouvelées ou non, peut prendre la notion de représentation dans une configuration marquée par l’existence, et le rôle déterminant dans notre existence sociale, de dispositifs de formatage et éventuellement de génération du réel qui ne sont plus essentiellement représentationnels. Une telle configuration, jetant un jour nouveau sur la représentation en tant qu’elle désigne dès lors un formatage possible parmi d’autres de nos expériences, ne confère-t-elle pas à la représentation une réalité qu’elle n’avait pas tant qu’elle constituait l’élément par défaut dans lequel était supposée s’effectuer toute opération de l’esprit face au réel ?
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