
La philosophie face aux psychopathologies
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
ISJPS
Organisation : Elodie Boissard & Mathieu Frèrejouan
Une “nouvelle” philosophie de la psychiatrie s’est développée au sein de la tradition analytique, depuis les années 1990, en se distinguant des approches traditionnelles (notamment phénoménologiques) par son choix d'aborder la psychiatrie comme une branche des sciences médicales. On retrouve ainsi des questionnements propres à la philosophie des sciences (sur les types de raisonnements, les méthodes cliniques et expérimentales, les catégories nosographiques) ou de la médecine (des critères de distinction du normal et du pathologique aux définitions du trouble mental).
Mais au sein de ce champ émerge également, depuis quelques années, un autre type de travaux qui ne portent pas tant sur la psychiatrie elle-même que sur ses objets : les psychopathologies. Ce sont alors les états mentaux pathologiques eux-mêmes - idées délirantes, hallucinations, insertions de pensées, compulsions, anxiété, troubles de l'humeur, etc. - qui sont l'objet de l'analyse philosophique, souvent en mettant entre parenthèses leurs contextes historiques voire cliniques. Si les psychopathologies retiennent alors l'attention des philosophes c'est principalement en tant qu'elles peuvent éclairer les fonctions "normales" de l'esprit. Le délire nous révèlerait négativement ce qu'est une croyance rationnelle, tout comme la compulsion pour le choix délibéré, l'hallucination pour la perception, etc. Souvent, d'ailleurs, cette méthode n'ambitionne pas seulement d'éclairer le normal par le pathologique : il s'agit aussi, en retour, d'élucider les normes - de la croyance, de la perception, de l'action - afin d'établir quand un écart peut être jugé pathologique.
L’ambition de ce programme philosophique est ainsi de faire entrer l’intérêt ancien, sinon originaire, de la philosophie pour la maladie mentale dans une ère nouvelle, par la mobilisation à l’endroit de celle-ci de son champ récent qu’est l’analyse du langage et de l’esprit, et par un dialogue constant entre philosophes et psychiatres. Néanmoins les limites d'une telle démarche commencent également à être interrogées. Si l’introduction des psychopathologies au sein de la philosophie analytique est assurément nouvelle, force est de constater que loin de modifier en profondeur les doctrines déjà existantes, elle semble souvent se limiter à confirmer et renforcer des positions théoriques anciennes. C'est alors le geste même d'inférer le normal du pathologique, et la prétention de la philosophie à édicter ce qui a valeur de norme, qui doit être interrogé.
Les journées d’étude que nous proposons d’organiser ont pour objectif de mettre en lumière les travaux déjà existants qui adoptent cette approche, mais aussi d’expliciter et formaliser celle-ci, afin de marquer l’émergence de ce champ de recherche, notamment dans la sphère francophone, et d'en mesurer les limites. Les intervenant.e.s seront invité.e.s à faire dialoguer un concept philosophique, et sa contrepartie pathologique, à partir de méthodologies relevant de la philosophie analytique.
PROGRAMME
Vendredi 21 mars 2025
Salle 216, 12 place du Panthéon - 75005 Paris
Après-midi - Emotions
Accueil 14h30-15h : accueil
15h-15h45 : Elodie Boissard (Université Paris 1, IHPST, CNRS, France)
“L’humeur dépressive est-elle une humeur ?”
15h45-16h15 : Pause : 30 minutes
16h15-17h : Juliette Vazard (chercheuse postdoctorale à la Central European University) “Émotions d'anticipation, pensée prospective, et santé mentale”
17h-17h45 : Sarah Arnaud (Cégep Édouard Montpetit, Québec, Canada)
“Ressentir ensemble : interactions émotionnelles et implications psychiatriques”
Samedi 22 mars 2025
Salle Cavaillès, 17 rue de la Sorbonne, 75005, Paris
Matin - Croyance et perception
9h-9h30 : accueil
9h30-10h15 : Hugo Bottemanne (Institut du Cerveau, Université Paris-Saclay, Hôpital Bicêtre, APHP)
“Origines des croyances congruentes à l’humeur dans la dépression”
10h15-11h : Mathieu Frèrejouan, (Université Paris 1, ISJPS/EXeCO)
“L’hallucination du philosophe”
11h-11h30 : Pause
11h30-12h15 : Denis Forest (Université Paris 1, IHPST)
“Choisir une explication du délire”
12h15-13h : Dylan Guével, (EHESS, LIER-FTY)
“De la rationalité dans les délires ? Questions cliniques et problèmes philosophiques”
13h-14h30 : Pause déjeuner
Après-midi - Subjectivité et agentivité
14h30-15h15 : Alexandre Billon, (Université de Lille, STL)
“Psychopathologie de la métaphysique classique”
15h15-16h : Rosanna Wannberg, (EHESS/Université UCLouvain Saint Louis)
“Pensée et subjectivité au prisme de la schizophrénie : sur l’usage de ‘cas pathologiques’ en philosophie”.
16h-16h30 : Pause
16h30-17h15 : Rachel Frenette, (Université Paris 1, IHPST)
“Définir le concept d'agir contre sa volonté pour l'addiction”