Histoire et conscience de classe, un siècle après
Comité d’organisation : Alix Bouffard (CRePhAC, Université de Strasbourg), Alexandre Feron (ISJPS/PhiCo/ExeCo Paris 1), Franck Fischbach (Hiphimo, Paris 1), Katia Genel (Sophiapol/Nanterre), Frédéric Monferrand (ISJPS/PhiCo/NoSoPhi, Paris 1)
Présentation du colloque :
Publié en 1923, Histoire et conscience de classe de Georg Lukács s’est imposé comme l’un des grands livres de philosophie sociale et politique du xxe siècle. Non seulement Lukács y réévalue l’ancrage philosophique d’un marxisme qu’il arrache aux formules dogmatiques de la Seconde Internationale en faisait dialoguer l’œuvre de Marx aussi bien avec la philosophie allemande classique (Kant, Fichte, Hegel) qu’avec d’autres courants intellectuels de son temps (néokantisme, sociologie allemande, austro-marxisme), mais il le fait en outre dans une perspective résolument politique, pour élargir et approfondir l’horizon ouvert par la révolution d’Octobre en Russie. Si le marxisme est redéfini par Lukács comme une méthode de connaissance de la société et de l’histoire, il est aussi et surtout une philosophie de l’agir révolutionnaire, ce qui implique à la fois la formulation d’un diagnostic sur le présent historique (critique de la réification) et l’identification des conditions sociales et organisationnelles sous lesquelles un dépassement de la réification est possible (théorie de la révolution).
Cette orientation indissociablement philosophique et politique explique la singulière réception d’Histoire et conscience de classe. Conçu comme un prolongement théorique et réflexif de la révolution d’Octobre, l’ouvrage est pourtant immédiatement dénoncé par le Komintern comme une déviation idéaliste, avant d’être érigé en figure du « marxisme occidental » (Perry Anderson). Il irrigue ainsi une grande partie des marxismes hétérodoxes du xxe siècle, de l’école de Francfort à la phénoménologie existentielle en passant par Socialisme ou Barbarie puis l’Internationale Situationniste en France, l’école de Budapest en Hongrie, le groupe Praxis en Yougoslavie ou l’opéraïsme en Italie.
C’est à cette singularité qu’entend rendre justice ce colloque organisé pour le centenaire d’Histoire et conscience de classe, en abordant l’ouvrage selon le triple point de vue de son contexte d’élaboration, de sa réception et de ses actualisations contemporaines
Programme
Mercredi 18 décembre 2024
8h45 : accueil et ouverture du colloque
9h-10h30
Rüdiger Danneman : Georg Lukács’ Plan for an Institute for Historical Materialism in 1919 and 1923
Karl Lauschke : La genèse de l’essai sur la réification
10h45-12h15
Jean Quétier : D’où vient le « hiatus » fichtéen ? Ce qu’Histoire et conscience de classe doit à Emil Lask
Chiara Collamati : La naturalisation de la forme. Retour sur l’essence anhistorique de la pensée bourgeoise
14h-15h30
Andrea Cavazzini : Lukacs avant Histoire et conscience de classe. Jalons pour une généalogie du marxisme occidental
Camilla Brenni : L'idéalisme organisateur de Lukács, la rencontre Hegel-Lénine dans Histoire et conscience de classe.
15h45-18h
Louis Carré : Inactualités de l’utopie et du prolétariat. Retour sur un débat centenaire entre Lukács et Bloch
Laurie Haffas : La lecture d’Histoire et conscience de classe par Siegfried Kracauer : un jalon (critique) du marxisme minoritaire-juif
Andrew Feenberg : Reification as Fetish and Meaning
Jeudi 19 décembre 2024
9h-10h30
Alix Bouffard Retraduire Histoire et conscience de classe
Vincent Chanson : Histoire et conscience de classe, critique de la vie quotidienne et constellation « Arguments » : un « marxisme occidental » en France ?
10h45-12h15
Alexis Piat : Totalité et prolétariat. Sur la postérité d’Histoire et conscience de classe dans la « Critique de la valeur »
Matteo Polleri : Histoire et subjectivation de classe : un Lukács foucaldien ? Antonio Negri lecteur d’Histoire et conscience de classe
14h-16h15 :
Alexis Cukier : Quelle réactualisation écomarxiste d’Histoire et conscience de classe ? Réification, nature et capitalisme vert
Erwan Sommerer : Lukács contre l’hétérosexisme et le cissexisme ? L’apport du matérialisme queer au débat actuel sur la « politique de l’identité »
Jonathan Daudey : Exproprier les mémoires : le concept de réification à l’épreuve des enjeux postcoloniaux.
16h30-18h :
Stéphanie Roza De la réification à la manipulation : histoire d'une évolution conceptuelle
Yohann Douet : Pour une théorie lukacsienne du fascisme