La guerre des mondes
Séminaire d'écologie politique
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne (UMR 8103)
Organisation : Paul Guillibert (CNRS/ISJPS) et Frédéric Monferrand (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/ISJPS)
Lieu : un vendredi par mois, de 18h à 20h
Ces vingt dernières années, la pensée environnementale a été polarisée par des débats relatifs à la nature, son statut conceptuel ou ontologique et sa valeur morale ou juridique. Ces débats sont assurément loin d’être clos et il ne fait guère de doute qu’ils connaîtront encore d’importants développements. Mais force est de constater que, de plus en plus, c’est l’idée apparemment plus indéterminée de « monde » en ses déclinaisons cosmologiques (la planète, la Terre, le globe) aussi bien que phénoménologiques (le monde vécu, la terre, les milieux) qui retient l’attention. Les « politiques de la nature » laissent place à de nouvelles « cosmopolitiques ».
On comprend les raisons de ce déplacement : les crises écologiques en cours rappellent à l’humanité sa dépendance à l’égard d’équilibres proprement planétaires qui la dépassent largement. Et les causes de ces crises doivent en grande partie être cherchées dans l’expansion globale d’un mode de production, de consommation et d’échange insoutenable. Pourtant, le simple fait que tout le monde ne soit ni également responsable, ni également exposé au dérèglement climatique ou à l’épuisement des ressources incite à relativiser ce diagnostic, qui oppose sans doute trop abstraitement le système économique, politique et technologique global aux dynamiques planétaires. Ce que révèlerait vraiment l’Anthropocène, ce serait alors moins l’unité d’un monde totalisé par les tendances écocidaires de la modernité capitaliste que la pluralité des manières d’en vivre et de se le représenter. Ce serait même, plus radicalement, que l’univers dans lequel nous évoluons est en fait un « plurivers » composé d’une multiplicité de mondes qui se rencontrent, s’hybrident ou se chevauchent le plus souvent de manière conflictuelle.
Parmi ces « mondes » hétérogènes, on peut schématiquement distinguer ceux qui témoignent d’une altérité externe de ceux qui représentent une altérité interne au front de modernisation porté par l’État et le Capital. Dans la première catégorie, on rangera les mondes vivants qui, des résistances animales aux mutations végétales en passant par les pandémies, font diversement irruption dans la vie politique des sociétés. Mais l’on mentionnera aussi les mondes pré-, non-, voire anti-modernes que composent les peuples indigènes en lutte contre l’appropriation de leurs terres et pour leur autonomie politique et culturelle. Dans la seconde catégorie, on rangera non seulement les mondes sociaux dominés selon des lignes de classe, de genre ou de race dont les formes de mobilisations se réinventent au contact des crises écologiques, mais aussi toutes les expérimentations démocratiques qui s’efforcent aujourd’hui de promouvoir des usages plus soutenables et plus égalitaires ou « communs » de la terre. Enfin, au croisement des résistances indigènes et des mouvements sociaux, ouvriers, féministes et antiracistes, on trouve différentes formes d’hybridation entre les cosmologie non-modernes et les cadres juridiques de la modernité dans les États post-coloniaux, où la consécration de droits de la nature – en Nouvelle Zélande ou en Bolivie par exemple – indique un devenir politique possible, une nouvelle manière de composer des mondes.
L’objectif de ce séminaire est d’offrir un espace de discussion aux différents travaux qui investissent des motifs « cosmopolitiques » à l’heure de l’Anthropocène. Il s’agit à la fois d’en mettre au jour les sources théoriques, d’en examiner les ressorts conceptuels et d’en évaluer la portée politique, en interrogeant notamment les conditions sous lesquelles la pluralisation des mondes et de leurs antagonismes est susceptible de favoriser l’avènement d’un autre monde, plus juste, plus libre et plus soutenable.
PROGRAMME 2024-2025 :
18 octobre 2024 :
Émilie Hache, "De la (ré)génération à la (re)production et retours. Actualités et enjeux d'un déplacement conceptuel"
22 novembre 2024 :
Nathalie Chouchan, "Voir “la modernité’’ à sa porte : retour sur la question de la technique"
13 décembre 2024 :
Frédéric Fruteau de Laclos, "Les sens de l'écoumène : de l'épistémologie à l'écologie"
24 janvier 2025 :
Victor Bertolotto, "Le rôle des juges constitutionnels dans la protection de l’Amazonie française et brésilienne"
14 février 2025 :
Danouta Bagnoud Liberski, "D’un autre mode d’existence de la Terre. Les systèmes de pensée voltaïques (Burkina Faso)"
7 mars 2025 :
Germana Berlantini, "Quelle diplomatie ontologique pour l'écologie politique ?"
25 avril 2025 :
Donatien Costa, « Vers une grammaire des conflits écologiques : faire discuter philosophie et ethnologie » (titre provisoire)
23 mai 2025 :
Jérôme Baschet (titre à venir) - salle à confirmer